(extrait d’un article publié par Ramiro A. Calle le 6 septembre 2019 – traduit de l’espagnol par C. Mallet)
Parfois il m’est arrivé de lancer à la cantonade la question suivante : « Pourquoi appellent-ils yoga ce qui n’est pas yoga ». Certains le font, peut-être, par manque d’information, mais d’autres parce que c’est à la mode et ils veulent rentabiliser l’activité qu’ils proposent même si elle n’a absolument rien du véritable yoga. Ce qui est sûr c’est qu’ont surgi tous types de « yogas » dénaturés, infidèles et intentionnellement faux, afin de les rendre rentables et mercantiles, de même qu’ont surgi des organisations qui tentent de réguler ou contrôler le véritable monde du yoga, qui se fait de plus en plus rare, et à qui ils veulent imposer leurs fausses règles en déterminant la durée d’un cours de formation, leurs directives et tout ce qui sert leurs intentions douteuses et leurs bénéfices.
Ce qui est indiscutable c’est que chaque personne peut choisir, tel celui qui préférera le jeu de dames aux échecs, ou les bijoux fantaisies à la joaillerie, ou encore un terrain en friche à un verger.
De plus, ce qui est contradictoire, c’est que beaucoup de personnes qui commencent avec ce qu’ils croient être du yoga, se rendent compte par la suite que ça n’en est pas et décident de s’orienter vers le véritable yoga, pendant que d’autres restent captivées par les pseudo-yogas et deviennent y compris réfractaires au yoga des origines, comme celui qui préférera les aliments toxiques à ceux qui sont sains et n’utilise pas sa capacité de discernement pour les différencier.
Il est élémentaire de souligner que les grands traîtres envers l’essence même du yoga furent, sans aucun doute, les premiers mentors hindous qui emmenèrent le yoga aux Etats-Unis, où s’est forgé une espèce de yoga américanisé qui était plus proche de la gymnastique suédoise ou d’autres formes de gymnastiques que de l’authentique hatha-yoga. Déjà certains de ces mentors faisaient des démonstrations en Inde, avant même d’introduire ce « yoga » gymnastique en Occident, qui était beaucoup plus proche de la gymnastique que du yoga en tant que tel, favorisant un yoga compétitif, où se faisait y compris un étalage de « contorsionnisme » et où se célébraient des championnats d’asanas.
C’est ainsi que le hatha-yoga a dérivé vers une obsession pour les asanas les plus complexes et forcés, pour le culte démesuré du corps, par cette manie de l’exhibitionnisme à travers les asanas et pour l’affirmation de l’égo, quand le yoga est : détachement, humilité, non-compétition et une méthode pour le développement intérieur et la conquête de la Sagesse, qui surgit quand on surmonte mentalement les tendances malsaines à l’aveuglement, l’attachement, la haine entre autres.
Il ne sera pas superflu de souligner à nouveau que le yoga n’est pas un sport ni une gymnastique, en aucun cas, et que le hatha-yoga authentique se sert de la corporéité et du travail conscient sur le corps (conscient !) comme moyen pour harmoniser le mental, favoriser l’auto-développement et activer l’évolution de la conscience.
Le yogi est intéressé par sa croissance intérieure, se transformer pour s’humaniser et obtenir le meilleur de lui-même pour son propre bénéfice et celui des autres, trouver la paix intérieure et anoblir sa vie, alors que le yoguiste n’est intéressé que par la pratique des asanas comme une gymnastique, et s’ils sont complexes c’est encore mieux, dépossédant ainsi la pratique de tout sens spirituel et par conséquent, réellement yoguique.
Alvaro Enterría (écrivain, auteur de « L’Inde, de l’intérieur ») écrit : « Il y a un travail plus que nécessaire, il s’agit de démasquer tous les néo-yogas, néo-védantas et néo-tantras qui défigurent les traditions authentiques. C’est triste qu’une tradition qui a pour objectif d’en terminer avec l’identification de la personne avec son corps et son mental, se convertisse en un culte du corps ».
Agustín Pániker (écrivain, spécialiste de la Culture Indienne) dénonce également le monde de la spiritualité qui se remplit de plus en plus de profiteurs et de sans-gênes, et qui, de part l’argent qu’il génère, s’est converti en un véritable bazar à voleurs, débordant de charlatans ».
Mais comme le dit un vieil adage : « Il faut parfois goûter à l’amertume pour pouvoir apprécier le miel ».
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